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Diagnostic du syndrome d'apnées du sommeil- Etude de la pertinence de la sémiologie au travers
d'un auto-questionnaire évalué sur 1414 patients
Aurélie FONTES – Ziad RIDA- Philippe ARLET
INTRODUCTION
Le sommeil occupe environ un tiers de la vie d’un individu. Il a
un rôle essentiel dans la récupération physique,
psychologique et intellectuelle et il est déterminant pour un certain nombre de mécanismes physiologiques qui
se produisent pendant le sommeil. Les troubles du sommeil sont de plus en plus reconnus comme véritable problème
de santé publique. Des mesures de prévention et d’information le concernant se mettent en place .
Le Syndrome d’Apnées du Sommeil (SAS) est une terminologie englobant plusieurs situations pathologiques.
Notre population est essentiellement composée de patients
porteurs du Syndrome d’Apnées Obstructives du Sommeil,
appelé (SAOS), mais aussi des apnées centrales, mixtes ou complexes.
Le SAOS correspond à la survenue, au cours du sommeil,
d’événements respiratoires anormaux, soit sous
forme d’apnées
(obstruction complète des voies aériennes
supérieures), soit sous forme d’hypopnées
(obstruction incomplète des
voies aériennes ou réduction de la ventilation), soit les
deux phénomènes associés. Ces anomalies de la
respiration
occasionnent des microéveils et sont à l’origine
d’un sommeil fragmenté, peu réparateur. En
résulte, une somnolence
diurne excessive, qui peut représenter un handicap pour le
patient voire un danger vital, notamment lorsqu’elle survient
au volant ou sur les lieux du travail. Par convention, nos patients
seront désignés sous le sigle générique
de SAS.
Le Syndrome d’Apnées du Sommeil est une entité
clinique de description relativement récente et les
connaissances
sur ce syndrome sont encore imparfaites. Sa prévalence est
estimée à 4% chez les hommes et 2% chez les femmes
mais le diagnostic n’est évoqué que chez un
petit nombre de patients, du fait d’une certaine
méconnaissance
du sujet à la fois par le corps médical et par le
public. Un effort important de formation et de vulgarisation
médicale
est nécessaire.
Le cortège de symptômes qui accompagne le SAS est important et les données de l'interrogatoire dont dispose
le médecin sont très variées. L’apport
diagnostique exact de cet interrogatoire est encore mal défini
et de nombreuses
études controversent la pertinence de certains signes
classiquement rattachés au SAS, tels que céphalées
matinales
et bruxisme .
Notre travail a pour but principal de revisiter l’ensemble des signes cliniques du SAS et de proposer un outil
diagnostique à l’attention des médecins
généralistes, souvent peu sensibilisés à
cette pathologie et ne disposant
pas de moyens simples applicables à l’échelle du cabinet.
La première partie de ce travail s’appuie sur
l’analyse de 1414 questionnaires auto administrés à
des patients
adressés avec une demande de polygraphie nocturne pour des motifs divers, mais touchant principalement au
sommeil. Il s’agit d’une étude rétrospective
réalisée à partir des données de patients
ayant consulté entre 1997
et 2007 au Laboratoire de Sommeil du CHD de Saint-Denis de LA REUNION.
L’auto-questionnaire utilisé a été
traduit en Français et adapté à partir du
questionnaire en langue anglaise de la Scripps Clinic (Annexe-A).
Nous avons analysé la fréquence des signes
rapportés par les patients et leur entourage et nous avons
confronté
les réponses aux données polygraphiques afin de
mettre en évidence les signes pertinents pour le diagnostic
de SAS.
Notre critère de jugement principal était le fait de
retenir ou non un diagnostic de SAS justifiant un appareillage
par Pression Positive Continue (PPC). Deux groupes ont ainsi
été constitués : un Groupe A de patients
appareillés
et un Groupe B de patients non appareillés.
A la lumière de l’analyse des résultats, il nous a
semblé intéressant de proposer un outil de
dépistage simplifié,
à l’attention des médecins
généralistes, comportant les éléments les
plus pertinents au diagnostic de SAS.
Par ailleurs, nous avons réactualisé et
réajusté notre propre questionnaire interne, afin de
mieux cibler les patients
à risque et d’organiser notre démarche
diagnostique de façon plus efficace, notamment en rendant
prioritaires
pour les explorations complémentaires ces patients.
B - QUESTIONNAIRE
POUR MIEUX VOUS CONNAITRE
Téléphone du domicile
………………………..……..
Téléphone professionnel
……………..……….……..
Profession actuelle
…………………………………….
Profession
antérieure………………………………….
MOTIF DE CONSULTATION
Vous avez consulté en raison d’un ou plusieurs des problèmes suivants :
mon entourage ne supporte plus mon ronflement
je n’en peux plus d’être aussi fatigué (e) durant la journée
j’éprouve des sensations d’étranglement durant la nuit
mon sommeil n’est pas réparateur
je m’endors difficilement en début de nuit et je souffre d’insomnie
autre :
expliquez :………………………………………………………………………………………………………
Ce qui vous a orienté vers le Laboratoire de Sommeil :
je connais quelqu’un qui est pris en charge pour les mêmes manifestations
j’en ai entendu parler à la télévision, lu dans le journal
c’est mon médecin généraliste qui m’a
orienté alors que j’ai consulté pour une autre
raison
c’est un spécialiste qui m’a orienté vers le Laboratoire de Sommeil ; Lequel ?
PARTIE A REPONDRE PAR LE CONJOINT :
j’ai constaté une ou plusieurs des manifestations suivantes chez mon époux (se) :
des pauses de la respiration pendant le sommeil
un ronflement insupportable qui m’empêche de dormir
à cause du ronflement nous faisons chambres à part
un sommeil agité, donne des coups de pied, coups de bras
sueurs nocturnes excessives
mon conjoint parle très souvent dans son sommeil
il grince des dents pendant le sommeil
il est somnambule (marche pendant le sommeil)
son ronflement se produit :
uniquement sur le dos, s’estompe en le poussant sur le côté
se produit aussi bien sur le dos que sur le côté
le ronflement est perçu comme étant :
HISTORIQUE DU RONFLEMENT
Je ronfle depuis :
moins de 5 ans
5 ans
10 ans
20 ans ou plus
Mon poids a augmenté de ………. kg en
l’espace de…….. année, et je pèse ce
jour ……… kg
HYGIENE ET CONDITIONS DE VIE
Je bois un verre de vin ou d’alcool uniquement en mangeant
De nombreux apéritifs pendant la semaine
De la boisson alcoolisée supplémentaire entre les repas
(bière, etc...); nombre par jour……….
Je fume …….. paquet (s) par jour depuis ……… année (s)
Je suis professionnellement actif
Je ne suis plus actif, mais ma fatigue, somnolence m’empêchent de vivre normalement, me posent un handicap
Je conduis très souvent
Je prends des somnifères pour dormir
de temps en temps
souvent
toujours
Quelles.somnifères ?…………………………………………………………………………………………
Mes médicaments habituels sont les suivants :
…………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………………
HABITUDES DE VEILLE ET DE SOMMEIL
Quand je vais me coucher, je m’endors :
tout de suite
au bout de 10 minutes
au bout de 20 minutes
au bout d’une demi-heure
après plus d’une heure
Je me réveille souvent la nuit
une fois deux fois trois fois plus
Et ceci pour :
uriner car essoufflé ne sait pas pour quelle raison
Quand je me réveille, il m’est difficile de retrouver le sommeil
Habituellement je dors en moyenne
4 h 5 h
6 h
7
h 8 h
9 h
10
h plus
Je pratique la sieste
Toujours Rarement Jamais
Au réveil :
Je suis déjà fatigué
Je suis bien réveillé, mais je fatigue pendant la journée
Durant la journée :
Je pique du nez dès que je suis assis(e), à ne rien faire
(après repas, réunion, télévision)
J’ai même eu ou failli avoir un accident de voiture par endormissement au volant
CONSEQUENCES ET SIGNES ASSOCIES
Je suis essoufflé à l’effort
Je perds la mémoire
J’ai des difficultés de concentration
J’ai une baisse de l’envie sexuelle
J’ai mal à la tête au réveil
Je fais de cauchemars
J’ai des brûlures à l’estomac pendant la nuit
Mon nez est bouché ou je respire mal du nez
C - CONCLUSIONS
L’administration systématique d’un
auto-questionnaire de sommeil à des patients suspects
d’apnées nocturnes est un outil
rentable et simple à utiliser. Cela permet d’explorer
plusieurs facettes et de mieux connaître cette maladie de
découverte
relativement récente qu’est le Syndrome d’Apnées du Sommeil (SAS).
Nous avons démontré au travers du dépouillement de
notre questionnaire soumis à 1414 patients, une
« fiabilité » et un
bon rendement diagnostique des éléments apportés par le patient et par son entourage, en les comparant aux
enregistrements polygraphiques du sommeil. Ce que dit l’entourage
du patient peut parfois même être plus pertinent
que la plainte propre de ce dernier ; d’où la
nécessité absolue d’impliquer le conjoint et de
façon plus large l’entourage,
dans la démarche diagnostique et d’interroger non seulement le patient mais aussi le couple et la famille.
Revisiter la sémiologie des troubles respiratoires du sommeil
à travers notre questionnaire, nous a permis de repositionner
la valeur de certains signes, réputés souvent
à tort comme étant très évocateurs de SAS.
Ainsi, la céphalée matinale,
la simple fatigue diurne et les éveils nocturnes en sursaut,
s’avèrent être peu discriminants dans notre
population.
Ces questions ne doivent donc pas être posées de
première intention si l’on cherche à savoir quel
patient orienter
vers une unité d’exploration respiratoire du sommeil.
D’autres éléments, au contraire, doivent être
privilégiés tels que
le témoignage de pauses respiratoires nocturnes par
l’entourage, la sévérité du ronflement ou sa
persistance en
toute position de décubitus et la polyurie nocturne. Nos
analyses montrent par ailleurs, un lien très fort entre la
présence du SAS et certains symptômes rarement
évoqués dans l’interrogatoire classique et dans la
littérature
tels que la dyspnée, les sueurs nocturnes, le
somnambulisme, la somniloquie, un délai d’endormissement
inférieur
à 10 minutes voire immédiat. D’autres signes
peuvent, à l’opposé, rendre la suspicion de SAS
moins probable,
notamment la présence d’insomnie avec un délai
d’endormissement supérieur à une heure, des
éveils nocturnes
sans raison apparente, la prise de psychotropes, les troubles de
la mémoire, les difficultés de concentration et le
bruxisme.
Il a été possible de confirmer à travers la
confrontation des questionnaires et des polygraphies nocturnes, la place
reconnue de l’âge, du sexe masculin, de
l’obésité (exprimée par l’Index de
Masse Corporelle), de la consommation
d’alcool, comme facteurs prédictifs de SAS.
Devant les problèmes liés au retard diagnostique du SAS,
nous proposons un questionnaire simplifié de dépistage,
destiné au médecin généraliste, premier
maillon de la chaîne, et devant l’allongement de la liste
d’attente des
demandes d’exploration dans les unités de sommeil, nous
proposons un autre questionnaire plus détaillé,
à usage spécialisé, qui correspond à une
version améliorée de notre propre auto-questionnaire.
Cette version devrait permettre une gestion plus rationnelle des listes d’attente.
Cette étude nous a permis par ailleurs de formuler une autocritique de nos propres méthodes de prise en charge
du patient apnéique et du groupe de patients non apnéiques.
Il en découle un réaménagement de notre
questionnaire. Ainsi, un certain nombre de questions jugées
redondantes
ou mal formulées ont été retirées ou
reformulées. Une version en créole a été
adaptée à usage local pour l’île de la
Réunion.
Les items peu discriminants ont également été
supprimés. Nous avons par contre procédé à
un enrichissement
de notre questionnaire avec les éléments traduisant
des interactions avec le syndrome métabolique et prévu de
compléter notre bilan cardiovasculaire au delà du questionnaire pour inclure : les mesures des marqueurs du
diabète, les tours de taille et de cou, l’exploration des
anomalies lipidiques, la mesure et la surveillance de la
pression artérielle, la courbe de poids …
Enfin, cette revue nous a permis de proposer un modèle
prédictif du SAS à partir d’une analyse
multivariée et
d’avancer quelques hypothèses diagnostiques et des perspectives de recherche.
Les autres Communications
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