Suivi par le médecin généraliste de troubles cognitifs dépistés en post urgence gériatrique
Audrey JACQUINOT – Christophe HEIN – Serge BISMUTH
Contexte :
Les démences et en particulier la démence de type
Alzheimer sont devenues en quelques années un véritable
problème de santé publique.
Sur les données réactualisées de
l’étude PAQUID, la prévalence de la démence
est estimée à 17,8/100 chez les plus de 75 ans. Il
y aurait donc environ 769 000 cas de démences parmi les sujets
de plus de 75 ans en France.
Sur l’ensemble de ces patients, on a estimé que 12,1% des
personnes de plus de 75 ans présenterait une démence
à domicile. Le médecin généraliste
devient alors le soignant de première ligne dans la
détection et le suivi des troubles cognitifs.
Question :
qu’en est-il du suivi, par le médecin
généraliste, de troubles cognitifs dépistés
en post urgence gériatrique ?
Objectif :
Etudier la mise en place, par le médecin
généraliste, du suivi de patients présentant un
trouble cognitif dépisté en cours d’hospitalisation
en service de gériatrie,
Matériel et méthode :
Enquête rétrospective effectuée par
téléphone entre Janvier et Septembre 2006, sur les
résultats d’une évaluation cognitive à
distance effectuée par le médecin
généraliste. (Entre 1 et 6 mois).
Médecins généralistes de la région Midi
Pyrénées , comptant parmi leur patientèle une
personne âgée présentant un trouble cognitif
découvert au cours d’une hospitalisation dans le service
de post-urgence gériatrique de l’hôpital Purpan de
Toulouse.
L’évaluation cognitive se faisait par le MMSE dans sa version française du GRECO.
A la suite d’un Mini Mental State Examination jugé anormal
par le praticien hospitalier, une réévaluation
était demandée au médecin
généraliste, sur la lettre de sortie.
Les données cognitives ont été recueillies
à partir des fichiers informatisés des patients
hospitalisés et elles ont été saisies au moyen du
logiciel Microsoft Excel.
Questionnaire soumis par téléphone aux médecins généralistes concernés :
« - Avez-vous réalisé un test de
dépistage cognitif à distance de l’hospitalisation
que ce soit le Mini Mental Test Examination ou un autre outil
d’évaluation ?
Si vous n’avez pas réalisé de test de
réévaluation à distance malgré la mis en
évidence d’un trouble cognitif en hospitalisation, pouvez
vous nous en précisez les raisons ? »
Nous avons terminé notre investigation par la synthèse
des caractéristiques des médecins
généralistes sollicités avec notamment leur
formation en gériatrie.
Résultats du suivi cognitif, à distance de la première évaluation
Sur 30 médecins généralistes, 29 ont pu être
contacté par téléphone. Le questionnaire leur a
été soumis par téléphone.
Onze personnes ont été exclues de l’étude, car décédées ou perdues de vue.
Les 18 patients restants ont une moyenne d’âge de 85,2 ans. On compte parmi eux autant d’hommes que de femmes.
Leur médecin généraliste a suivi le conseil
hospitalier de réévaluer à distance dans trois cas
(16,7%). Sur ces 3 patients, un a refusé les investigations. Il
n’y a donc eu que deux personnes réévaluées
à distance. Les résultats des tests
réalisés à distance ne nous ont pas
été communiqués mais les deux patients ont
été diagnostiqués dément
d’après les données du médecin
généraliste.
Les trois raisons les plus fréquentes d’une absence de réévaluation à distance sont :
- l’absence de trouble cognitif dans cinq cas
- le retour à un état cognitif normal dans trois cas mais sans utiliser de test cognitif
- la présence d’autres problèmes de santé
passant en priorité par rapport à l’état
cognitif.
Sept des 25 médecins ayant accepté de répondre
à cette question étaient diplômés
d’une capacité de gériatrie. Sur ces sept
médecins deux ne réalisent pas de test de
dépistage et adresse directement le patient au
spécialiste.
Discussion :
Le suivi cognitif à distance a été rarement
réalisé, bien qu’il ait été
conseillé dans la lettre de sortie d’hospitalisation.
La principale raison invoquée par les médecins
généralistes est le fait que le patient n’a plus ou
n’a pas de troubles cognitifs au retour à domicile.
Ce constat est réalisé à partir d’une impression clinique sans utilisation de test cognitif.
Les études réalisées en médecine
générale ont montré que l’impression
clinique était souvent insuffisante pour déterminer la
présence d’un trouble cognitif.
Une étude anglaise avait mis en évidence que la
réalisation d’un test de dépistage avait
entraîné la révision du diagnostic de
démence chez 29 patients sur 174 suivis en médecine
générale.
L’absence de réévaluation par un test
standardisé a pour conséquence le risque de
négliger un trouble cognitif chez des sujets âgés.
Mais les études ont montré qu’un patient
présentant un trouble cognitif aigu à type de confusion
est plus à risque de démence dans les trois années
suivantes.
La prévalence de la démence augmente avec
l’âge ; la prévalence double tous les 5 ans
entre 64 et 85 ans pour atteindre 44% après 95 ans. De
même, l’incidence augmente avec l’âge de 2,4
pour 1000 personnes années (PA) entre 65 et 69 ans à
70/1000 PA après 90 ans Les patients de notre travail sont
plus à risque d’être atteints d’une
démence du fait de leur moyenne d’âge
élevée.
La fragilité, l’épisode confusionnel et
l’âge des patients font de notre échantillon un
groupe à risque de développer une démence.
Le patient joue aussi un rôle dans l’absence de
réévaluation : selon l’étude PAQUID,
les troubles mnésiques sont perçus par 60% des patients
mais seulement 15% en parlent avec leur médecin.
Conclusion : La majorité des patients à risque cognitif n’ont pas été réévalués.
La principale raison invoquée par les médecins
généralistes est le fait que le patient n’a plus ou
n’a pas de troubles cognitifs au retour à domicile. Ce
constat est réalisé à partir d’une
impression clinique sans utilisation de test cognitif. Or, les
études réalisées en médecine
générale ont montré que l’impression
clinique était souvent insuffisante pour déterminer la
présence d’un trouble cognitif.
Mots clés :
Médecine générale – Gériatrie –
Troubles cognitifs – Dépistage et suivi –
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