- 2° Rencontres - 08 mars 2008 -

2008 - les 2° Rencontres
Présentation
Introduction
Les communications





PLACE DU MILLEPERTUIS DANS LE TRAITEMENT DE LA DEPRESSION
Dr Anne Sophie Lacoste – Pr Marc Vidal


Contexte
Selon l’OMS en 2020 la dépression constituera la deuxième cause d’handicap dans les pays développés après les maladies cardio-vasculaires.
Le millepertuis ou Hypericum Perforatum a obtenu l’AMM en 2002 pour la prise en charge des manifestations dépressives légères à modérées. Cette plante a démontré lors d’essais cliniques comparatifs une efficacité semblable à celle d’antidépresseurs de synthèse avec moins d’effets indésirables.

Objectif
Le but de notre enquête est de clarifier la démarche diagnostique du praticien, de connaître ses thérapies de choix et son utilisation ou non du millepertuis.

Méthode
Une étude rétrospective anonyme a été menée en 2006 auprès de 300 médecins tirés au sort en Midi-Pyrénées : généralistes, psychiatres et homéopathes. Le recueil des données des 91 questionnaires retournés ainsi que leur étude ont été menés manuellement.

Résultats
L’enquête montre que un tiers des consultations traitent des troubles dépressifs mineurs. Pour la grande majorité des praticiens l’évaluation de la gravité d’une dépression est ardue, elle se base sur l’évocation de la mort et non sur l’utilisation d’échelles d’évaluation.
La psychothérapie de soutien apparaît comme leur traitement de référence devant l’homéopathie, l’exercice physique, l’oligothérapie, l’allopathie et la relaxation.
La totalité des homéopathes déclare prescrire du millepertuis contre environs un tiers des généralistes et des psychiatres.

Discussion
Son action d’inducteur enzymatique sur le cytochrome P450 et son non remboursement apparaissent comme les principaux freins à sa prescription.
Face à une pathologie à prévalence croissante, le millepertuis est une alternative aux antidépresseurs, efficace et bien toléré s’il est employé seul ou en évitant tout risque d’interaction médicamenteuse.

Mots clés
Dépression – Millepertuis – Médecine générale – Inducteur enzymatique.
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La dépression représente la plus fréquente des maladies psychiatriques. Majoritairement diagnostiquée et traitée par les médecins généralistes cette pathologie peut se manifester sous des degrés de sévérité plus ou moins grave. Les formes « légères, modérées et transitoires » sont peut-être les plus difficiles à diagnostiquer et à traiter. Compte tenu de l’hésitation à recourir à des traitements conventionnels comme les antidépresseurs non dénuées d’effets indésirables, il est intéressant de questionner divers praticiens sur leurs démarches diagnostique et thérapeutique. Une plante, le millepertuis ou Hypericum Perforatum, connue depuis l’Antiquité, a été utilisée comme antibactérien, anti-inflammatoire et vasculotrope pour traiter brûlures et plaies, puis comme antidépresseur dans les dépressions légères à modérées.
Le but de notre enquête nommée « Prise en charge des manifestations légères de la dépression » permet de dévoiler les démarches diagnostiques et thérapeutiques de divers praticiens mais aussi de nous éclairer sur leur usage ou non du millepertuis.


Ce questionnaire confidentiel et anonyme a été adressé par courrier en juin 2006 à 300 praticiens sélectionnés de manière aléatoire en Midi-Pyrénées. Compte tenu de la prise en charge pluridisciplinaire des dépressions légères l’enquête a été adressée à des médecins généralistes, psychiatres et homéopathes. Le questionnaire comprenait 12 items traitant successivement des manifestations dépressives légères et de l’utilisation du millepertuis dans cette indication.
L’enquête comportait d’emblée de nombreux biais et limites. L’étude ne pouvait s’adresser qu’à un nombre restreint de médecins. L’enquête rétrospective reposait sur le sentiment du médecin sur sa précision à remplir le questionnaire et sur son intérêt pour une thérapie particulière, le millepertuis.

Le taux de réponse à cette enquête s’est élevé à 30,3%, avec une forte prédominance de médecins homéopathes. Par contre pour la majorité des praticiens la proportion des patients souffrant de dépression légère représente moins d’un tiers des consultations. 60% des praticiens éprouvent des difficultés à évaluer la gravité d’une dépression et dans leur grande majorité ils n’utilisent pas d’échelle d’évaluation de la dépression. Seuls les psychiatres usent des plus courantes : HAM-D et MADRS.
L’absence de pensée de mort récurrente associée à une humeur dépressive ou une perte d’intérêt et de plaisir évoque pour une majorité de praticiens une dépression mineure.

La psychothérapie de soutien apparaît comme le traitement de référence des médecins. En deuxième intention, l’allopathie fait partie de la plupart des traitements des généralistes et des psychiatres alors que les homéopathes sont de fervents spécialistes dans leur domaine et privilégient l’homéopathie.
En général les patients sont dans l’attente d’un traitement médicamenteux qu’il soit un antidépresseur ou de l’homéopathie. Dans un second temps les patients s’orientent vers la psychothérapie de soutien et de relaxation.
Les homéopathes à 94,7% déclarent prescrire du millepertuis contre environs un tiers des généralistes et des psychiatres. Les questions concernant la prescription du millepertuis ont beaucoup moins intéressées les généralistes et les psychiatres dont les taux d’abstention peuvent s’échelonner de 20 à 77%. Seulement ¼ des psychiatres recommandent l’usage du millepertuis dans les manifestations légères de la dépression contre presque la moitié des généralistes et la totalité des homéopathes. Ces derniers le préconisent dans les manifestations dépressives saisonnières, le sevrage aux antidépresseurs et l’anxiété.
La plupart du temps, le traitement est instauré sous forme de comprimés, le patient est revu dans les 15 jours suivants, puis mensuellement si son état clinique est stable. Le traitement prend fin au bout de 3 à 6 mois minimum.
Tous les médecins prennent en compte les nombreuses interactions médicamenteuses qui existent avec le millepertuis, dont celle d’inducteur enzymatique du cytochrome P450. Contrairement aux homéopathes, la plupart des généralistes et des psychiatres se sentent gênés dans leur prescription à cause de cet effet secondaire.
Le non remboursement du millepertuis semble être parfois un frein à sa prescription.

Nous pouvons constater que la dépression fait partie intégrante d’un problème de santé publique de haute importance compte tenu de sa forte prévalence dans toute discipline confondue. Par contre l’enquête nous révèle que tous les praticiens éprouvent des difficultés pour quantifier la dépression. Les critères de diagnostic ont été bien codifiés par les échelles CIM-10 (10e Classification Internationale de Maladies) et DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manuel of Mental disorders). Selon le DSM-IV, le nombre de symptômes minimum et nécessaire est de 5 pour parler de dépression même mineure et l’épisode est qualifié de léger lorsqu’il y a peu ou pas de symptômes supplémentaires. Sans une évaluation chiffrée le diagnostic repose sur l’entière appréciation du praticien. Seuls les psychiatres utilisent couramment des échelles d’évaluation de la dépression. On peut aussi constater que tous les symptômes ne sont pas forcément pondérables. L’abord psychique d’un patient demande beaucoup de partialité mais aussi une capacité à dédouaner tous les signes cliniques masqués. Des symptômes somatiques peuvent prendre le pied sur les désordres psychiques.
Pour une grande majorité des médecins questionnés, la gravité d’une dépression repose sur la présence de « pensées de mort récurrentes, avec humeur dépressive ou perte d’intérêt et de plaisir ». Ce fait peut souligner un critère diagnostique majeur capable de guider le médecin dans son choix thérapeutique. Qu’il soit une simple pensée, une tentative ou un passage à l’acte suicidaire, le médecin doit en considérer toute la gravité. Dans ces cas là, l’ANAES (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) recommande l’utilisation indispensable d’antidépresseur, associé ou non à une hospitalisation.

Concernant un épisode dépressif léger l’ANAES préconise en première intention la psychothérapie. Un antidépresseur pourra être possible mais l’association n’a pas fait preuve d’une meilleure efficacité. L’enquête nous a bien dévoilé cette ambiguïté. Même s’il est évident que pour la plupart des médecins, la prise en charge d’une dépression légère repose avant tout sur une psychothérapie de soutien, propre à soutenir et à réassurer le patient par le biais d’un dialogue. L’association à de l’allopathie est souvent de mise pour les généralistes et les psychiatres. De leur coté, les patients réclament plus facilement un traitement homéopathique ou allopathique. Le pouvoir indéniable des antidépresseurs, connu du grand public a pour effet d’attirer les patients. Ce pouvoir attractif du à l’action chimique des psychotropes a pour effet de soulager rapidement, d’éclairer les esprits sans grand effort, telle une pilule du « bonheur ».
Avant tout, l’enquête nous dévoile la pluralité des prescriptions et des prises en charge des manifestations légères de la dépression. Plusieurs thérapies comme la nutrition, l’exercice physique, la musicothérapie concourent au bien être du patient. On peut aussi s’attarder sur l’usage de l’acupuncture, de la sophrologie ou de diverses psychothérapies propres à modifier le psychisme du patient. Ainsi, on s’éloigne peu de la définition de la santé par l’OMS « état complet de bien-être physique, psychologique et social ».

Dans notre enquête , le choix d’une thérapie particulière s’est portée sur le millepertuis qui depuis les années 80 a prouvé son efficacité dans les dépressions légères lors d’études menées versus placebo mais aussi versus antidépresseurs tels que :imipramine (Tofranil®), maprotiline (Ludiomil®), amitryptiline (Laroxyl®), paroxetine (Deroxat®), fluoxetine (Prozac®). Dans toutes ces études le millepertuis obtient une efficacité similaire aux antidépresseurs avec beaucoup moins d’effets secondaires. Le millepertuis puise son action antidépressive en augmentant la transmission aminergique par inhibition de la monoamine oxydase et par inhibition non spécifique de la noradrénaline, de la sérotonine et de la dopamine. Malgré tout, cette thérapie semble bien peu prescrite par les généralistes et les psychiatres. Ce médicament en vente libre (contrairement à l’Allemagne) n’est pas sous la jouissance du praticien, celui-ci ne peut contrôler sa valeur thérapeutique, son efficacité. De plus toutes les études menées sur le millepertuis se sont étalées sur de courtes durées, pas plus de 6 semaines. Même si le millepertuis a obtenu son AMM en 2002, son mécanisme d’action dans la dépression n’a pas été totalement élucidé, il est donc difficile de se vouer entièrement à son utilisation.
Par contre, un des effets les mieux connus et appréhendé du millepertuis est son action d’inducteur enzymatique sur le cytochrome P450. L’étude a pu dévoiler que les généralistes et les psychiatres se sentent plus freinés par son action d’inducteur enzymatique que par son non remboursement. En effet, le millepertuis a pour effet secondaire de diminuer l’efficacité des médicaments essentiels comme les antivitamines K, la ciclosporine, les antirétroviraux et les anticonvulsivants. L’innocuité de ce traitement se révèle d’autant plus valable que le millepertuis est employé seul chez un patient souffrant de manifestations dépressives légères. Par contre pour un patient polypathologique ou simplement âgé son utilisation semble vite restreinte.
Par ailleurs, même si la plupart des praticiens ne se sentent plutôt pas freinés par son non remboursement, on peut penser que certains chercheront un alternative remboursée pour aider au mieux leur patient. En matière de santé publique, chaque citoyen n’a pas les mêmes chances de traitement.

Malgré son haut niveau de tolérance et sa réelle efficacité, le millepertuis ne semble pas convaincre la totalité des médecins. Seuls les médecins optant pour des médecines plus douces, tels que les homéopathes prescrivent ce traitement tout en surveillant les modalités de prescription.


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